Avec la venue du printemps, ma vie change de rythme. J’ai moins d’activités commandées. J’accepte de faire les choses uniquement par plaisir.
Je sens monter la sève. Je décèle en moi des appétits que je ne soupçonnais pas. Je semble déclencher chez les dames une sorte d’hystérie qui les pousse dans mes bras avec une ferveur touchante.
Parfois elles sont très belles, mais elles ont toutes la même ambition: prendre la première place dans mon cur et chasser toutes les autres. Certaines viennent m’entendre avec leur mari et me sourient quand il a le dos tourné.
J’imagine toutes ces femmes nues, attendant en ligne à ma porte, la nuit, que je les reçoive, en jouant du trombone.
Je crois que je suis en train d’instaurer un nouveau sacrement, un peu à la façon de Jérôme Bosch qui entreprend dans sa vision pansexuelle de faire copuler tout l’univers.
Je ne peux plus entrevoir le sacré qu’à travers la consommation de la beauté. Et comme c’est la vie sexuelle qui permet les plus grandes extases, je n’hésite pas à rapprocher le délire érotique le plus échevelé de la contemplation mystique.
Bien sûr, on a déjà pensé ainsi en Occident. Dans le symbolisme alchimique, par exemple, l’acte amoureux est un moyen de refaire l’unité de la nature en transcendant la dualité des sexes.
Mais aujourd’hui, à l’ère des médias électroniques, voici que ce qui était réservé aux sages est offert à la consommation des masses.
Je pousse le scandale à fond. On me reproche d’aller trop loin. Mais, voyez-vous, quand c’est la dix millième fois qu’on va trop loin, on n’a plus peur d’y aller.
C’est que, à la vérité, je sais doser mes poisons divins.